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Soin et accompagnement, le nécessaire contrepoint

Équipes de secteur et équipes médico-sociales fondent leurs approches sur des représentations assez différentes des relations entre les personnes suivies et les professionnels. Les équipes de soin psychiatriques sont identifiées à la souffrance individuelle et de ce fait, ne regardent pas les limitations de la personne dans les apprentissages comme une problématique à prendre réellement en compte. La culture d’équipe psychiatrique a tendance à regarder un peu comme des objectifs secondaires les nécessités de l’adaptation à la réalité.

 

Les usages sont autres dans les équipes médico-sociales. Là, l’écoute s’oriente vers les difficultés d’accès de la personne à l’autonomie sociale. L’observation des conduites concrètes l’emporte sur l’attention à la vie psychique. Les équipes sont identifiées à la souffrance collective et aux phénomènes sociaux d’exclusion. 

Ces équipes sont plutôt sourdes aux manifestations psychopathologiques inconscientes. Supportant mal les manifestations de la pathologie mentale, elles rejettent vers l’institution psychiatrique les personnes dont les manifestations entravent l’apprentissage de l’autonomie. Elles utilisent en revanche des stratégies de compensation des déficiences pour lesquelles elles montrent une créativité parfois surprenante.

Dans chaque configuration, les positions des acteurs, même s’ils sont de métier identique, deviennent divergentes selon les institutions auxquelles ils appartiennent. On pense différemment quand on est éducateur dans une équipe d’hôpital de jour ou éducateur dans un IME ; et il en va de même quand on est médecin psychiatre.

Pour que de meilleurs rapports puissent s’établir entre les équipes psychiatriques et les équipes médico-sociales, un travail d’élaboration de ces positions très peu explicitées est nécessaire quels que soient les changements des cadres réglementaires et les contraintes budgétaires en permanente évolution.

Pour les équipes, et leurs responsables, le défi à venir consiste à extraire des textes nouveaux des éléments permettant de rompre avec la tradition de la césure que nos représentations ont contribué à entretenir entre les services psychiatriques et les établissements médico-éducatifs. 

Nous avons besoin pour penser l’avenir de deux concepts, deux systèmes de représentations : la santé mentale et le handicap. Leur évolution influencera probablement les configurations culturelles de demain et les formes de notre travail.

Pour Alain Ehrenberg (2005), le concept de santé mentale représente un « grand renversement », « la notion de maladie mentale se trouve englobée dans celle de santé mentale ». 

Les difficultés psychiatriques sont considérées comme « des difficultés parmi d’autres, qu’elles soient familiales, sociales, économiques ou qu’elles touchent des déficiences spécifiques ».  D’autres y voient une dilution dangereuse des questions que mose la maladie mentale d’un tout englobant et mal défini.

Néanmoins, cette façon de penser arrange les rapports tels qu’on les conçoit actuellement entre le sanitaire et le médico-social dans la mesure où elle implique une fragilisation de la différence entre traitement curatif et traitement palliatif, entre « cure » et « care » pour reprendre les expressions anglo-saxonnes qui, d’une certaine façon, fondent la séparation actuelle entre sanitaire et médico-social.

« L’axe chronicité/ qualité de la vie/ mieux être » structure la notion même de santé mentale qui, dans la société contemporaine devient une valeur en synergie avec « l’idéal de l’individu socialisé autonome ». Il s’agit de « lier le projet de soins et le projet de vie dans une visée de qualité de vie plutôt que de guérison ».